mardi 25 octobre 2011

Réflexion sur l'action politique, son origine, son moteur et sa finalité.


Les enseignements de Maurice Merleau-Ponty.
Toutes les phrases entre guillemets sont des citations de cet auteur, issues de "Note sur Machiavel", "Pour la vérité" et Humanisme et Terreur.

"Un hasard fondamental nous fait tous coupables et tous innocents parce que nous ne savons pas ce que nous faisons."

                L'origine de l'action politique est la réponse aux besoins que nécessite la vie en collectivité. C'est agir pour faire face aux problèmes de la cité, pour répondre à des besoins concrets. L'homme rencontre perpétuellement des problèmes et doit les surmonter, avançant toujours. Ce besoin d'avancer est inhérent à l'homme. Mais nous devons aller quelque part. Pour avancer il faut avoir une direction. Même l'errant choisit, de façon passagère et changeante, la direction de son prochain pas. Et il y a toujours plusieurs directions possibles, car un problème a toujours une pluralité de solutions. Une action politique est toujours le résultat d'un choix.
                Comment éclairer ce choix? Qu'est-ce qui détermine l'autorité politique à privilégier une solution sur une autre? Ce sont des principes d'action. Nous nous attarderons ici sur deux principes d'action politique, l'idéalisme et le réalisme, qui sont étudiés par Merleau-Ponty bien que leur désignation sous ce nom soit une décision personnelle. Ils permettent je pense d'englober de nombreuses idées politiques, de nombreux courants.
L'idéalisme comme principe d'action politique est l'application concrète de valeurs abstraites, d’idées théoriques à long terme. Il a l'avantage de donner une direction claire à l'avancée des hommes. Mais son pendant lorsqu'il est suivi avec trop d'ardeur est d'accorder trop d'importance à la direction vers laquelle on se dirige et de rendre aveugle à ce qui se passe sur la route. L'action politique doit pourtant avant tout répondre aux problèmes concrets, à des contingences, des urgences matérielles. Sa finalité n'est pas du domaine de l'idée mais se trouve bien dans le matériel. L'action politique ne peut être une simple traduction de valeurs aveugles au réel. Merleau-Ponty nous dit "quand on agit c'est bien pour produire des conséquences au dehors et non pas pour faire un geste et soulager sa conscience." L'idéalisme peut même tourner à l'idéologie lorsqu'il se détache trop du réel. Lorsque l'action politique est régit par l'idéologie, elle ne prend pas en compte la réalité, elle ne répond plus à un besoin du peuple mais se plie à un système de sens total dans lequel tout est écrit et où la fin seule compte, qu'importe les moyens, la route empruntée. Le véritable idéalisme politique n'est pas possible car les hommes ont des intérêts privés. Nous sommes tous prêts à sacrifier des valeurs pour des avantages matériels égoïstes. Il faut toujours garder en tête les failles de l’homme.
Le réalisme lui est à l'inverse un principe d'action politique qui se donne comme but de répondre parfaitement aux besoins contingents, sans s'embarrasser d'idéal. Ce dernier  est d'ailleurs rendu superflu par la réponse parfaite à tous les besoins contingents, car la situation se trouve optimale de fait et sans volonté de la rendre optimale à terme. Mais un réalisme trop poussé empêche l'action car échoue à indiquer une direction. Il se base sur les faits pour déterminer l'action. Mais la connaissance des faits n'est toujours que partielle. "Gouverner, comme on dit, c'est prévoir. Or, il y a de l'imprévisible. Voilà la tragédie." Le réalisme juge une action par ses conséquences. Mais les conséquences de nos actes ne sont jamais connues avec exactitude. "Toute action ne nous engage-t-elle pas dans un jeu que nous ne pouvons entièrement contrôler?" Il ya tellement de paramètres qui rentrent en jeu qu'il est impossible d'agir en les prenant tous en compte. Une action politique purement réaliste n'existe pas car le réalisme strict fait rester dans l'étude infinie des faits et des conséquences possibles. Bien souvent, le réalisme n'est qu'un masque. Tout homme a des idées, une grille d'interprétation du monde. Merleau-Ponty a écrit cette phrase qui trouve toute sa justesse aujourd'hui: "Nous ne pouvons pas avoir une politique sceptique, parce que, malgré l'apparence, elle choisit ses fins et opère, d'après des valeurs inavouées, une sélection des faits qu'elle nous propose de reconnaitre et sur lesquels elle nous suggère de nous guider pour définir le "possible"." Par la hiérarchisation des problèmes, leur ordre de traitement, et les conséquences d'un jeu budgétaire qui tend bien souvent à être à somme nul, les valeurs qui motivent l'action politique ressortent derrière la façade du réalisme.

                Mais alors "la condition humaine ne serait-elle pas de telle sorte qu'il n'y ait pas de bonne solution?" Merleau-Ponty se répond en quelque sorte: "Astreints à choisir entre le respect des consciences et l'action, qui s'excluent et cependant s'appellent si ce respect doit être efficace et cette action humaine, notre choix n'est-il pas toujours bon et toujours mauvais?" C'est de cette citation qu'on retire l'essence même de l'action politique et de son but: le moins pire. Prendre une décision politique c'est toujours choisir le moins pire, la solution qui lèsera le moins de monde, celle qui favorisera la plus grosse proportion de la population. Cette solution optimale sans pour autant être bonne, elle ne pourra être trouvée que grâce à une vision équilibrée entre réalisme et idéalisme. Comme d'habitude, la solution n'est ni l'un ni l'autre mais bien les deux. "Une dialectique dont le cours n'est pas entièrement prévisible peut transformer les intentions de l'homme en son contraire, et cependant, il faut prendre parti tout de suite. (...) Cela ne veut pas dire que nous puissions faire n'importe quoi. Mais cela veut dire que, quoi que nous fassions, ce sera dans le risque." "Notre seul recours est dans une lecture du présent aussi complète et aussi fidèle que possible, qui n'en préjuge pas le sens, qui même reconnaisse le chaos et le non-sens là où ils se trouvent, mais qui ne refuse pas de discerner en lui une direction, une idée, là où elles se manifestent". Il faut bien partir des faits, toujours, et y revenir, car c'est eux qui génèrent et guident l'action. C'est en alliant une étude de ces faits et une direction générale qu'on peut arriver à définir un cadre à l'action politique, en classant le réaliste et le non réaliste, le souhaitable et le non-souhaitable, l'acceptable et le non-acceptable. Ce faisant, on définit forcément un idéal. Il ne faut pas se refuser à considérer un idéal qui se trouve dans le non réaliste, mais il faut toujours revenir aux faits et à la réalité humaine pour son application. On relie ainsi les actions dans un tout cohérent. L'action politique équilibrée agit ainsi de façon réaliste et pour répondre à un problème précis, mais le choix se fera dans la limite d'un cadre prédéfini de principes. L'action politique est aussi bien une affaire de principes que de réalité. Elle est obligatoirement contingente car répondant à la contingence de l'existence sociale de l'homme. Elle est obligatoirement guidée par des principes car sinon le choix n'est pas possible.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire