mercredi 8 février 2012

Soutien à Serge Letchimy


Aujourd’hui ce n’est pas l’UMP et ses stratégies populistes d’attisement de la haine parmi les peuples que j’accuse. Je ne veux pas être redondant et parler de la stigmatisation persistante d’une partie des Français. Je ne vais pas dans cet article condamner Claude Guéant, ses paroles font tellement abstraction de la réalité et leur objectif est si clair qu’il parait inutile de faire une démonstration de leur caractère infondée. Ce mercredi 8 février l’intolérable a été commis par ceux qui étaient censés faire barrière contre lui. Aujourd’hui la honte tombe sur les socialistes.

Après l’intervention hier soir de Serge Letchimy à l’Assemblée Nationale, Libération a écrit dans son numéro du 8 février 2012 que « les responsables socialistes ont, de leur côté, plaidé les circonstances atténuantes pour le député Letchimy ». François Hollande pour sa part a qualifié l’intervention du député martiniquais d’ « incident ». Ce vocabulaire du délit et de l’accident est totalement en décalage par rapport aux paroles de Serge Letchimy. Ce dernier n’a rien à se reprocher. Bien au contraire il a fait son devoir. Il a fait son devoir de mise en garde contre le populisme facile et les raccourcis dangereux. Il a fait son devoir de rappel de l’Histoire. Cette Histoire qui n’est ni blanche ni noire mais bien grise. L’Histoire qui contient bien les camps de concentration et le « long chapelet esclavagiste et colonial ».
C’est un malheur que M. Letchimy ait eu à réagir seul face aux propos de Claude Guéant. C’est inadmissible que la gauche n’ait pas fait bloc autour de lui pour le soutenir et porter haut ses paroles dont la justesse n’a d’égal que l’indignation qu’elle provoque. Oui le député a employé de graves mots, mais parce que ce grave moment de l’histoire qu’a constitué le nazisme a débuté par une accumulation de propos anodins qui ont créé un climat de nationalisme poussé et de haine de l’autre. Oui il a accusé directement M. Guéant, mais peut-être que si des hommes comme lui s’étaient levé pour dénoncer les populistes qui excitaient les foules et les confortaient dans leurs préjugés dans les années 1930 le nazisme ne serait pas advenu. Pourtant chez les socialistes c’est le vide total, il y a une gêne, on cherche à « atténuer ». Letchimy le trouble-fait dérange.

Serait-ce parce qu’aujourd’hui le nazisme est devenu un tabou ? Plutôt qu’un avertissement de l’histoire il est devenu une période qu’on veut montrer comme un écart de conduite malencontreux. Le nazisme est l’objet d’un non-dit grandissant qui cache son caractère banal, sa place logique dans l’histoire de l’Europe et les circonstances pas si étranges de son avènement. Et ce tabou arrange bien la droite et l’extrême-droite, qui peuvent faire passer la gauche comme un ramassis de paranoïaques figés dans le passé. Ils peuvent dès lors prononcés des paroles porteuses de haine sans que personnes ne fassent le lien avec le chômage de masse, l’activité économique en berne, la crise morale et la peur généralisée du déclassement. L’inquiétude est partout mais personne ne s’en inquiète. Pourtant l’idéologie nazie ne s’est pas construite et diffusée en un jour, et c’est bien à partir de postulats du genre de ceux de Claude Guéant que cela s’est fait. L’idéologie nazie est celle d’un idéal de société parfaite qui transforme en qualités ses côtés les plus sombres. C’est une idéologie historicisée, qui se sert de l’enracinement dans l’Histoire comme justification pour faire advenir un futur défini au préalable. Le concept de civilisation est donc en son cœur. Le géo-politiste Karl Haushofer, proche des nazis et dont les écrits ont inspiré la politique impérialiste et guerrière d’Adolf Hitler, a d’ailleurs définit dans ses travaux quatre civilisations, la paneuropéenne, la panrusse, la pan-asiatique et la panaméricaine. Claude Guéant lui n’en a mentionné que deux. François Lenglet a peut-être raison, « la crise des années 30 est devant nous ».
Ou alors serait-ce que les sondages sont plus forts que l’Histoire ? Quand un cinquième du pays apprécie Marine Le Pen, que la moitié est eurosceptique et que les deux-tiers sont protectionnistes, le fascisme redevient mainstream. « Taisez-vous députés socialistes sinon vous allez perdre de la popularité » chuchote  TNS-SOFRES. « N’allez pas défendre une poignée de noirs qui ne votent qu’à moitié, vous risqueriez de le regretter » renchérit l’IPSOS. Faut-il laisser advenir le pire au nom de la démocratie directe ? Faut-il renier les principes qui ont fait la France pour quelques voix de plus ? Il y a ici un devoir civique qui n’est pas rempli. Il y a ici un manque de prise de position et une déliquescence des valeurs de la gauche pour cause d’électoralisme.

 M. Letchimy lui n’a pas oublié sur quelle idéologie repose le nazisme. Il n’est pas non plus prêt à ensevelir le passé sous un grand tas d’immédiat. Et pour cela je lui dis merci.

2 commentaires:

  1. P.U.I.S.S.A.N.T. Merci d'écrire si justement et avec intensité. Te lire me fait me sentir un peu (juste un peu) rassurée...

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  2. je suis entièrement d'accord avec cet article et en tant membre du PS, j'ai honte de cette banalisation des paroles de Guéant, honte que mon parti ne se soit pas levé pour huer les propos de guéant et applaudir très fort ceux de monsieur Letchimy... pourquoi ce malaise quand on reparle du moment et des circonstances de la montée du nazisme? Si c'est pour ne pas perdre de voix, quelle tristesse et quelle erreur!!!! Ce n'est qu'en parlant haut et fort des vilainies des pouvoirs fascistes que nous pourrons les combattre et en faire prendre conscience à nos concitoyens qui se laissent attirer par des sirènes venimeuses.
    merci à vous pour votre capacité de dire ce qui est intolérable!

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