lundi 2 janvier 2012

La France de 2012


« Bonne année à tous ! » scandait Arthur sur TF1 dans l’émission « En route pour 2012 » au moment où s’achevait le 31 décembre. TF1 est la chaîne la plus regardée de France. Elle a raflé 99 des 100 meilleures audiences de l’année 2011 et son audimat atteint presque celui de France 2 et France 3 additionnés. Qu’est-ce que ce monstre médiatique a montré aux Français pour entamer l’année 2012 ? Un cabaret transformé en plateau-télé où Arthur, Nikos Aliagas, Pascal Obispo et Laurent Baffie taquinaient la seule femme présente à la table, Victoria Silvstedt, tout en admirant les formes des Blue Bell Girls du Lido. Une fantastique image de la femme et des rapports entre sexes. En 2012 une femme c’est une grande blonde d’un mètre quatre-vingts qui possède 300 mots et sourit magnifiquement avec ses lèvres botoxées. Et ces messieurs enchainaient les remarques et sous-entendus machistes qui faisaient comprendre à madame que si elle était présente c’était pour son décolleté et non pas pour sa finesse d’esprit.
Voilà la France de 2012. Une France qui semble stagner, qui tirée par des arriérés veut retourner en arrière. Une France qui a décidé de s’abrutir seule pour arrêter de se faire prendre pour une abrutie. Ainsi l’audimat de « Scènes de ménage » sur M6 a dépassé celui du journal de vingt-heures de France 2. Ce n’est pas étonnant vu la qualité du journal de vingt-heures. Les Français sont harcelés d’informations dramatisées et de déclarations contradictoires. On les gave de données brutes alignées les unes derrière les autres sans aucun sens. On leur annonce indifféremment que la répression en Syrie a fait des centaines de morts puis que Carlo Ancelotti a été nommé entraîneur du Paris SG en remplacement d'Antoine Kombouaré.
Les vœux de Monsieur le Président de la République sont révélateurs dans ce sens. A l’écouter il a empêché une crise aussi terrible que la deuxième guerre mondiale grâce à la réforme des retraites. Aux 2 800 000 chômeurs que sa politique a laissés sur le bord de la route il offre des vœux de bonne année et un remerciement pour leur « courage » et leur « sang-froid ». Pour lui le courage est synonyme de sortie du marché du travail par perte d’espoir et le sang-froid de silence. Il faut reconnaitre que M. Sarkozy a dit de bien belles choses, dignes du président de tous les Français. Mais dès lors qu’on met en perspective ses paroles avec ses actes c’est tout le grotesque qui transparait. Il acclame la sécurité sociale, dénonce le désordre mondial et prône le protectionnisme après s’être fait élire sur un programme libéral. Il nous dit que « la France a su préserver l’essentiel », on peut dire qu’il a raison mais que c’est un combat qu’elle a mené contre son propre gouvernement. Il enchaine par une longue tirade pleine du bon sens du père de famille : « La seule façon de préserver notre souveraineté, de maîtriser notre destin, est de choisir comme nous l’avons fait jusqu’à présent la voie des réformes structurelles plutôt que celle des réactions à chaud qui ne font qu’ajouter à la confusion et au désordre sans restaurer la confiance ». Mais quel président, accompagné de quelle majorité, a fait passer des réformes qu’il a annulées par la suite pendant un même quinquennat ? Qui est toujours présent cinq minutes après un évènement et annonce la création de 15 commissions pour faire une loi au plus vite sur la question mais sans jamais faire suivre les décrets d’application ? Le président conclut par une phrase rassembleuse : « Nous ne bâtirons pas notre compétitivité sur l’exclusion mais sur notre capacité à donner à chacun une place dans la Nation ». Mais ce « Nous », il faut s’en rappeler, ne contient ni les Roms, ni les immigrés tunisiens, ni les étudiants étrangers, ni même les Français « issus de l’immigration » qui ne sont tous qu’une bande de parasites facteurs de chômage, d’insécurité et de déficit de la sécurité sociale.

Si on s’arrête ici, la France de 2012 est donc machiste, indifférente, menteuse, immobile et xénophobe. Mais attention, M. Sarkozy a beau être le président de tous les Français, tous les Français ne sont pas comme M. Sarkozy. TF1 a beau être la chaine préférée des Français, elle ne les résume pas. Cette année qui s’est écoulée, comme toutes les autres, a montré les multiples facettes de la France qui, plongée dans le pire, est toujours capable du meilleur. La France de 2012 n’a pas perdu de son dynamisme. Son indicateur conjoncturel de fécondité est un des plus hauts parmi les pays développés. Elle bénéficie d’un secteur de l’art en pleine expansion, avec notamment une industrie musicale prolifique qui rayonne à l’internationale. La France de 2012 c’est aussi celle où le mot solidarité se bat pour conserver son sens, qui donne quatre-vingt-six millions d’euros lors du téléthon et où les restos du cœur distribuent chaque année près de 100 millions de repas. C’est la France de l’enseignement gratuit et laïc. C’est la France où la découverte est encouragée par les collectivités territoriales et où beaucoup de musées sont gratuits pour la jeunesse. C’est une France encore ouverte sur le monde, qui permet à ses étudiants de voyager à l’étranger et à tous ses citoyens de circuler librement en Europe. C’est cette France-là qu’il faut défendre. 2012 ne sera pas l’année du grand changement, nous le savons. Mais avec cette nouvelle année nous pourrons choisir de montrer une nouvelle facette de la France. Si tous nous avançons animés par des idéaux de Liberté, d’Egalité et de Fraternité, alors nous pourrons éviter que l’année 2012 ne soit qu’une autre année 2011.

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