jeudi 22 septembre 2011

Des "aires d'accueil" barbelées pour des "gens du voyage sédentarisés"


Samedi 18 Juin, banlieue parisienne.
                Dans le cadre d’un programme sur la diversité en France organisé par Humanity in Action, j’ai eu l’opportunité d’aller à la rencontre de gens du voyage et de visiter des infrastructures mises à leur disposition dans la banlieue parisienne. « Mises à leur disposition » et « Gens du voyage », deux formules pas vraiment adaptées…
                -« mises à leur disposition » : M. X, responsable du camp, en charge de toute la partie administrative et des relations avec la mairie, raconte. C’est après un vrai périple, de communes en communes, après avoir subit de multiples refus, que la famille X est arrivée dans la commune de Quelquepart. Elle est alors escortée par les gendarmes. Des infrastructures à l’époque il n’y en a pas. Mais un terrain leur est prêté. Après une longue période de lutte, M. X obtient de la mairie l’aménagement d’une nouvelle aire d’accueil. Les travaux terminés, sûrement dans les délais les plus brefs pour un chantier aussi prioritaire à l’agenda des municipalités, M. X accompagne la caravane dans ses nouvelles infrastructures. Il connait la méfiance des sédentaires envers lui-même et ses compagnons. Il ravale donc sa fierté et en faisant preuve d’une impressionnante courtoisie, il imprime des centaines de tracts qu’il met dans toutes les boites à lettre du quartier. Il avertit les voisins que sa famille emménage ici et qu’ils n’ont pas à s’inquiéter de quoi que se soit, ils seront de bons voisins. C’est tout de même incroyable de devoir presque s’excuser d’arriver dans un lieu où l’on devrait être « accueilli » et de faire preuve d’un zèle de politesse pour pouvoir espérer être tranquille. Si tous nos voisins étaient aussi attentionnés, notre quotidien serait bien différent ! Cependant cela ne suffit apparemment pas. Le terrain jouxte une maison de retraite, et nos seniors ne sont pas rassurés. Les autorités compétentes trouvent alors la bonne idée de faire mettre du fil barbelé sur le haut du mur qui sépare les deux terrains… L’ignorance de l’histoire fait parfois des victimes. La vue de ces barbelés ré-ouvre une plaie mal cicatrisée de laquelle ressurgissent la colère et la souffrance de tout un peuple. C’est en pensant à ses grands-parents déportés que M. X s’empresse d’aller demander le retrait des barbelés à la municipalité. Qui est coupable ? Le flou de la bureaucratie ne nous permettra pas de le savoir. Peut-être est-ce aux dirigeants de la maison de retraite qu’il faut rappeler la puissance des symboles. Peut-être est-ce aux conseillers municipaux qu’il faut rappeler que selon les estimations les plus optimistes ce sont plus de deux centaines de milliers de Tsiganes qui ne sont jamais revenus des camps de la mort nazis. Peut-être est-ce au maire lui-même qu’il faut rappeler que le gouvernement démocratique français de la IIIe République a interné les gens du voyage dans des camps de travail dès 1940, avant-même le début de l’occupation allemande. Le plus triste est que cet acte a dû paraître anodin à tous les responsables, à ces gens qui sont sûrement des gens « respectables » et « bien en tout point », mais qui sont coupables. Ils sont coupables de l’ignorance dans laquelle ils sont, et des efforts qu’ils font pour y rester.
                -« Gens du voyage » : Les titulaires du « carnet anthropométrique du voyageur » sont loin de tous encore « voyager ». Le nomadisme réel est devenu un mode de vie marginal dans ces communautés. Pour un gouvernement qui utilise la formule « gens du voyage sédentarisés » c’est bien entendu négligeable. La majorité des gens du voyage ont un camp d’attache et voyagent seulement quelques mois dans l’année, pour aller rendre visite à des proches ou assister à des rassemblements religieux. Et les autorités françaises n’y sont pas pour rien dans cette disparition d’un mode de vie. En effet il se trouve que, par manque de volonté ou par une volonté masquée, il n’y a pas assez d’aires d’accueil des gens du voyage. Les communes qui devraient en posséder une n’en ont pas toutes. Ce qui, mécaniquement, mène à une concurrence entre caravanes de voyageurs. Une famille qui quitte son terrain pour partir sur les routes est dans l’incertitude de retrouver un emplacement légal où s’installer. Il faut savoir que beaucoup de campings se servent d’une astuce très simple pour refuser les gens du voyage sans pouvoir être accusés de discrimination : ils interdisent les caravanes à double essieux. Or du fait de leur plus grande résistance, ce sont ces caravanes qu’habitent les gens du voyage ! Ainsi partir de leur campement présente un risque pour les gens du voyage. Et le risque de ne pas retrouver sa place dans son campement d’origine au retour existe aussi. Ceci mène les gens du voyage à se sédentariser, à rester là où ils sont sûrs d’avoir une place. Conséquence imprévue ou ingénieuse stratégie ?

1 commentaire:

  1. Fun fact: peut-être que les seniors auraient dû réfléchir un peu plus à qui était leur véritable ennemi et à avec qui ils partageait le plus d'intérêts communs. En effet, la maison de retraite comme le camp de gens de voyage sont installés en périphérie de la commune, derrière le dépôt des trams inactifs. Les vieillards et les gens du voyage, deux catégories dont la vue dérange les autorités, qui les relèguent en seconde zone...

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