mercredi 28 septembre 2011

L'exceptionnelle fiscalité d'une République en déclin


La « taxe exceptionnelle sur les hauts-revenus » ? C’est ce qui est censé nous donner l’impression que les riches participent à l’effort de redressement budgétaire ? C’est de l’hypocrisie d’Etat !
Il est dommage que Le Monde n’ait pas objectivé cette déclaration avec une analyse poussée. Un rappel des faits et des problèmes structurels qui font l’injustice du système actuel s’impose :
La France a actuellement un régime d’imposition régressif. L’économiste Thomas Piketty disait il y a quelques mois dans un article d’Alternatives Economiques : « Théoriquement l’impôt sur le revenu devrait réintroduire de la progressivité et contrecarrer ainsi le caractère fortement régressif des impôts indirects sur la consommation ou des cotisations sociales. Mais, en réalité, l’impôt sur le revenu actuel est lui-même régressif : à mesure que l’on monte dans l’échelle des revenus, le taux effectif d’imposition diminue. Notamment en raison des nombreuses niches fiscales. » Oui, vous avez bien compris, plus vous êtes riches, plus votre taux d’imposition est faible… Même les économistes ultralibéraux ne sont pas aller aussi loin dans leurs recommandations en matière d’impôt !
On nous parle de 300 millions prélevés sur les foyers avec un revenu de plus de 250 000 euros. Mais tout de suite cette annonce prend sa juste mesure si on la met en corrélation avec la réforme de l’ISF, qui exonère 300 000 foyers et abaisse le taux d’imposition des autres, ce qui conduit à un cadeau fiscal total aux Français les plus aisés de 1.8 milliards d’euros. Jérôme Cahuzac, président de la Commission des finances de l’Assemblée Nationale l’a rappelé : « Il y a un rapport de 1 à 6 entre ce qui est repris et ce qui fut abandonné ». On relativise aussi le caractère « exceptionnel » de cette taxe sur les hauts revenus quand on voit la majorité renoncer aisément aux 176 millions d’euros de recettes qu’aurait pu rapporter la taxe sur les 363 000 résidences secondaires détenues en France par des non-résidents, comme le prévoyait un projet de loi du printemps 2011. Les exemples d’incohérences en matière de fiscalité ne manquent pas. La Cour des Comptes a évalué comme « ayant un coût disproportionné par rapport à l’impact » tout un ensemble de niches fiscales représentant des dizaines de milliards d’euros de manque à gagner pour l’Etat. C’est grâce à certaines d’entre elles qu’en moyenne, les sociétés du CAC 40 ne payent que 8% d’impôts sur les bénéfices et les PME 22 % (alors que le taux normal est de 33%) ou que Liliane Bettencourt est imposée au même taux qu’un cadre moyen. Et quelle est la réponse du gouvernement actuel ? Une austérité frileuse, sans aucune réforme de fond. L’objectif est simplement de réduire le déficit de 13.7 milliards d’euros (pour un déficit actuel de 95.5 milliards d’euros), avec comme moyen ultime pour y parvenir… une TAXE SUR LES SODAS ! On croit rêver… C’est du bricolage complet, des actions de court-terme à visée électoraliste et sans aucun principe pour les guider, pas même celui de la rationalité dont se réclame tant la droite libérale. Cerise sur le gâteau : nos dirigeants s’érigent en sauveurs de la dette avec leur « règle d’or » qui, en réalité est déjà inscrite dans la constitution dans une version proche de celle portée à l’Assemblée, c'est-à-dire non-contraignante . Il faut se tourner vers ce qui a été fait hier pour appréhender l’ampleur de leur impunité : Jean-Philippe Cotis, directeur général de l’INSEE, a déclaré que sans les baisses d’impôts successives décidées par les gouvernements depuis 2000, nous aurions 20 points de PIB de dette publique en moins !
Les principes fondamentaux de la République sont aujourd’hui bafoués. La structure de la redistribution a été démantelée, la méritocratie républicaine balayée par la patrimonialisation des classes moyennes et supérieures. La fiscalité d’aujourd’hui est la traduction concrète de choix politiques qui rentrent complètement en contradiction avec les lignes directrices qui avaient guidées la France jusqu’alors. Peut-être qu’au fond ce que nous avons besoin aujourd’hui dans le domaine de la fiscalité (et dans bien d’autres domaines !) c’est un bon cours de Constitution :

Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, Art. 13 :
« Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »

Constitution du 4 octobre 1958 :
Art 1er : « La devise de la République est "Liberté, Egalité, Fraternité".
Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. »



1 commentaire:

  1. http://www.lemonde.fr/politique/article/2011/11/14/que-represente-la-fraude-aux-arret-maladies_1603272_823448.html#ens_id=1563976

    Voilà une autre preuve de l'hypocrisie de la majorité, plutôt que de s'attaquer aux réels problèmes de la France ils préfèrent se concentrer sur des points qui rapporteront gros électoralement.

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