mercredi 5 octobre 2011

L'injuste "contribution" de la justice et des justiciables


La réforme de la « contribution pour l’aide juridique est très représentative de la manière d’agir et de l’idéologie de la majorité actuelle. C’est moche, sur la forme comme sur le fond !
Cette réforme du fonctionnement de la justice française se trouve glissée dans la loi de finances rectificative du 29 Juillet 2011, à l’article 54. Pratique les lois de finances rectificatives, on y met un peu tout ce qu’on veut. C’est du budget donc ça n’intéresse personne de toute façon…
En quoi consiste-t-elle? C’est un nouvel impôt, de 35 euros, sur l’engagement de procédure devant les juridictions judiciaires et administratives. Elle est « due par la partie qui introduit la procédure » comme « condition de recevabilité de la demande» et « doit être acquittée lorsque vous saisissez la Justice pour un problème civil, commercial, prud'homal, social ou rural. C'est également le cas lorsque vous portez un contentieux devant un tribunal administratif. »
Quel est son objectif ? Financer la nette hausse du budget de l’aide juridictionnelle, qui devrait voir son montant passé de 30 à 110 millions d’euros selon les estimations. L’aide juridictionnelle (AJ) est «une assistance qui permet aux personnes démunies ou ayant des ressources modestes d’accéder à la Justice ». Elle permet notamment de payer un avocat aux personnes qui n’en ont pas les moyens, selon le principe de droit à la défense de tous. C’est la réforme du 14 avril 2011 qui serait à l’origine de l’explosion du budget de l’AJ, puisqu’elle rend obligatoire la présence d’un avocat lors des gardes à vues.

Sur le principe je trouve cette réforme révoltante. Il faut toujours remettre les événements présents, qui peuvent sembler insignifiants sur le moment, dans le temps long et voir en quoi ils contribuent à modifier le contrat social. Selon la formule consacrée de notre Ministre de l’Education Nationale, il faut toujours revenir aux « fondamentaux ». Les fondamentaux ce sont les principes que nous avons hérités des Lumières et de la Révolution Française. Ce sont les principes qui ont sus nous tirer du joug des privilégiés. Ils nous ont permis de bâtir une République qui protège tous les individus contre la tyrannie d’une minorité, qui assure la cohésion sociale et le progrès du collectif. Parmi eux sont les principes d’égalité des usagers devant le service public, d’égalité devant l'impôt, de sécurité juridique, de droit à un recours en justice et de droit à la défense. La justice c’est un droit, un droit inhérent à l’homme et une condition de l’harmonie sociale. Cette réforme nous impose de payer pour bénéficier d’un droit qu’on est censé avoir par nature. L’Etat doit faire appliquer la loi, cela n’a pas à être soumis à une logique semi-marchande dans laquelle le citoyen doit payer pour pouvoir voir l’infraction dont il est victime réparée. La loi ce n’est pas quelque chose de négociable et ça ne peut en aucun cas être intermittent. Il n’y a pas la loi pour ceux qui payent et le non-droit de ceux qui ne payent pas.

Certains diront peut-être « sur le principe c’est discutable, mais concrètement c’est pour la bonne cause ! » Comme l’annonce fièrement le ministère de la justice : « L'aide juridique permet de rémunérer un avocat pour les personnes les plus démunies. » En effet, « cette contribution n’est pas due dans certains cas, notamment pour les personnes bénéficiaires de l’aide juridictionnelle. » Donc en réalité, ce sont les personnes ne bénéficiant pas de l’aide juridictionnelle qui payent pour celles qui en bénéficient… En gros, c’est de la redistribution. Sauf qu’elle est opérée d’une manière incohérente, à l’aide d’un nouveau bricolage législatif qui vient s’ajouter aux nombreux déjà existants ! La majorité lâche refuse encore une fois d’affronter de manière directe les problèmes que rencontre le pays. Pour palier aux problèmes des finances publiques on nous dit que la seule solution est de faire payer plus le contribuable. Je suis tout à fait d’accord avec cette thèse, mais mon opinion diffère totalement quant aux modalités de cette contribution. Quand l’Etat a besoin de fonds pour subvenir à ses tâches régaliennes, qu’il lève des fonds par le moyen régalien de l’impôt direct ! Si tous les contribuables donnaient une plus grande part de leur revenu à l’Etat, les caisses se rempliraient et la participation de tous serait proportionnée et juste. Mais non, comme d’habitude la solution choisie est l’impôt indirect, une taxe injuste car de montant égal pour tous. C’est sur, électoralement ça fait moins mal, on reste loin de l’image du méchant Etat qui vient vous prendre votre argent de force. Et oui, personne ne vous oblige à engager une procédure judiciaire ! Sauf que voilà, le personnel administratif des tribunaux français a peut-être autre chose à faire que des comptes d’apothicaire, pour savoir qui a payé ses 35 euros et qui ne l’a pas fait, qui doit être remboursé ou exempté etc. Les tribunaux français sont déjà pleins à craquer, un manque de personnel chronique entraine le grossissement des piles de dossiers. Les magistrats sont contraints d’enchainer les affaires les unes après les autres, souvent jusqu’à des heures tardives qui dépassent largement l’horaire officiel. Ces conditions sont défavorables aux parties car elles nuisent à la juste pesée de tous les éléments des affaires. Ce n’est pas à la justice de faire le travail des législateurs et de compenser leur manque de volonté politique en matière budgétaire !

6 commentaires:

  1. Mister Etienne, moi jsuis impressionnée par ton talent d'écriture ! Enfin non en vrai ça ne m'étonne pas de toi. En tout cas je te trouve incisif et très juste dans ce que tu écrit, et j'adore te lire :)

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  2. Si nous avions un gouvernement respectueux de la République et des citoyens,ça se saurait! Nous pourrions ne pas être perpétuellement accablés par ce bricolage budgétaire, législatif qui n'a aucune vision politique qui nous élève. Une vision républicaine et citoyenne essaie d'apporter le plus de justice possible pour la majeure partie de la population. Je veux croire que le parti socialiste saura remettre de la morale, du respect, de la justice! Sinon serions-nous acculés au désespoir? Et on le sait le désespoir mène à la violence, à la folie...

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  3. Hélas le parti socialiste est loin d'avoir un renforcement de la République dans la ligne d'action qu'il a énoncé. Ses futurs actions auront surement comme conséquence indirecte un renforcement de la cohésion sociale et un regain de confiance en une œuvre collective qui doit avancer sans laisser personne à la traine. Mais dans le programme du PS on retrouve aussi un aspect bricolage, fait de mesures "pratiques" qui répondent à des problèmes immédiats. Je questionne ouvertement la cohérence d'ensemble du projet et sa capacité à donner un nouvel élan à la société. Le véritable changement c'est avant tout un changement d'angle de vue, et avec "le changement" on reste dans le même système avec la même philosophie de projet négatif, qui se construit en fonction des contraintes et non de buts nouveaux.

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  4. Bien sûr que le Parti socialiste n'est pas la panacée! Mais il est le seul actuellement à pouvoir gagner face à sarkosy en 2012 (je ne mets de majuscule à ce nom car je pense qu'il n'en mérite pas!).Et il y a urgence à donner un coup d'arrêt à cette politique tellement élitiste, injuste, inhumaine... Et même si le Parti Socialiste ne représente pas l'idéal à mettre au pouvoir, on se doit me semble-t-il lui donner la chance de nous prouver qu'il est philosophiquement et intrinsèquement autre que le sarkosisme!

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  5. Le PS n'est qu'une supercherie, rejoignez le PCF M. Castel ! Je crois qu'il y a une section des étudiants communistes à Sciences Po Lyon, vous devriez vous rapprocher d'eux. Bravo en tout cas pour l'article ! La parole au peuple, le pouvoir aux prolétaires !

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  6. Je suis républicain, jamais je ne pourrais adhérer à un parti qui ne l'est pas. De plus le communisme est une doctrine. Je me refuse à suivre une doctrine car je veux continuer à penser. Le communisme tombe dans la catégorie de pur idéalisme dont je parle dans l'article suivant sur les principes d'action politique. Il appartient au passé et c'est déjà dommage car il a été fort dommageable.

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