samedi 5 novembre 2011

Contre Je suis Partout, Ils ne sont nulle part


Sécuritarisme et indifférence dans une France à tendance fascisante.

Notre ministre de l’Intérieur Claude Guéant a décidé de recourir à une nouvelle solution pour lutter contre les trafics de drogue et la criminalité à Saint-Ouen. Il a annoncé que dans cette commune « des habitants volontaires recevront une formation, un uniforme et seront indemnisés lors de leurs vacations impliquant médiation, prévention et surveillance générale ». De plus les habitants pourront appeler un numéro vert pour « signaler anonymement à la police toute chose anormale ». Qu’est-ce que nous avons là ? Ne serait-ce pas ce qu’on nomme communément une milice et une incitation à la délation ? Oh grand non ! C’est une « mobilisation citoyenne » titre l’article de Direct Lyon Plus, journal gratuit que des milliers de Lyonnais lisent chaque jour. Il n’empêche, drôle de coïncidence, les citoyens mettant l’uniforme et rétablissant l’ordre on les trouve sous Vichy, dans l’Allemagne d’Adolf Hitler et dans les communes d’extrême-droite des Pays-Bas actuels. Bizarrement, chaque fois cela entraine des dérives liberticides. Qu’on ne vienne pas me dire que cela n’a rien à voir, que c’est simplement pour une seule commune et dans un contexte bien particulier. Si problème de sécurité il y a, c’est l’Etat et sa force de maintien de l’ordre qui doit agir. C’est l’institution républicaine créée par les représentants du peuple qui doit se charger de cette situation. C’est l’action de la police qui doit se faire plus efficace. Et puis quelle hypocrisie ! Qu’est-ce que l’action d’une poignée de gens entrainés à la va-vite par un policier retraité va changer au trafic de drogue en France ? Si la police et ses forces d’interventions spéciales n’arrivent pas à appréhender les grands trafiquants qui sont à la tête des réseaux, comment Monsieur X pourrait-il y arriver ? Par contre je le reconnais, le nombre de petits revendeurs de rue interpellés va sûrement augmenter. C’est mettre un pansement sur une jambe de bois, une mesure populiste, qui ne peut entrainer que des dérives dangereuses.

Voilà où en est la France du XXIe siècle. Une France prête à accepter un fichage de tous ses habitants pour protéger ses comptes en banque. Le projet de loi sur la nouvelle carte d’identité incorporant deux puces électroniques contenant les données biométriques de l’individu est actuellement examiné en deuxième lecture au Sénat. Une de ces puces contiendrait nos empreintes digitales pour éviter l’usurpation d’identité. J’ai mieux à proposer : mettre la puce sous la peau des gens directement à la naissance ! On est sûr comme cela d’éviter toute fraude ! Et pourquoi ne pas y inclure des données sur les croyances, les orientations sexuelles et les goûts des personnes ? On pourrait ainsi déceler les personnes à potentiel déviant en croisant les données et les enfermer avant-même qu’elles aient commises le crime qu’elles sont inévitablement amenées à commettre ! Et les Français accepteraient sans broncher. Ces acteurs individuels non concertés et incapables de se contextualiser dans un ensemble social plus large se diront pour la majorité « Et alors ? Moi je n’ai rien à me reprocher ! Ce sont les malhonnêtes qui sont menacés ! ». Le rapporteur de la loi au Sénat utilise déjà cet argument en appelant le fichier centralisé de données, que la mise en place des nouvelles cartes d’identité entrainerait, un « fichier des gens honnêtes ».
Ici je ne suis pas en train de critiquer le « pouvoir », le « gouvernement », les « élites », ces entités abstraites à qui on attribue si facilement des caractéristiques humaines et une intentionnalité. Je critique la passivité des citoyens. Je ne dis pas que notre ministre de l’intérieur est vierge de responsabilité dans la dérive fasciste de la France. En effet sa ligne d’action est orientée par des idées qui semblent claires. Je ne dis pas non plus que l’entier gouvernement ou le président ne soit pas dans une stratégie de défense de leurs intérêts propres. Mais ce que je veux rappeler ici c’est surtout un principe de la démocratie, celui du contrôle par le peuple de l’action de ses gouvernants. C’est au peuple de réagir face à de telles mesures, par le vote, par la mobilisation, par tous les moyens disponibles. C’est parce qu’elles sont globalement acceptées ou volontairement ignorées par les citoyens que ces mesures sont envisagées et mises en place. Ce n’est pas une question de couleur de gouvernement, tous les gouvernants ont intérêt à plus de contrôle sur leurs gouvernés et à plus d’autoritarisme, cela rend leur tâche beaucoup plus aisée et répond aux désirs de puissance et de richesse que tous nous avons. « Tous propriétaire », tous tenus en laisse par notre crédit, tous plongé dans la paranoïa de l’avoir, un peuple assagit qui a beaucoup trop à perdre pour protester. Voilà qui arrange aussi bien un Jospin, sous le mandat de qui le projet de carte d’identité à puces a été introduit pour la première fois à l’Assemblée, qu’un Sarkozy. Préoccupés seulement par leur sûreté matérielle, les Français sont aujourd’hui prêts à sacrifier valeurs démocratique et République pour garantir leur petit confort. Nous ne sommes jamais à l’abri de la menace fasciste, les tendances paranoïaque et liberticide de l’homme sont toujours sous-jacentes. Je ne veux pas tenir un discours « tous pourris, tous les mêmes », je veux juste rappeler que l’idéal est dans le « tous vigilants », toujours. Je crois en la force des idées que chaque partie met en avant pour changer la France. Mais je pense qu’il ne faut pas oublier qu’à l’intérieur de tous ces partis on trouve des hommes et des femmes, qui ne sont intrinsèquement ni plus mauvais ni meilleurs que nous-mêmes.

Les mises en garde perpétuelles et les rappels à l’ordre constant n’y font rien. L’histoire nous fournit de nombreux repoussoirs  comme l’URSS ou l’Allemagne nazie. La science-fiction nous alerte régulièrement contre les dérives possibles de nos sociétés, contre les stratégies de terreur des gouvernements pour rester en place, comme celui de la Grande-Bretagne de V comme Vendetta, ou contre les menaces du contrôle total de Big Brother. Mais rien n’y fait, tant qu’il n’est pas trop tard la majorité ne bronche pas, elle augmente son seuil de tolérance jusqu’à tolérer l’intolérable en priant pour qu’elle n’en soit jamais victime. Heureusement que certains ont un minimum de clairvoyance. Le Conseil d’Etat a ainsi annulé l’article 5 du décret du 30 avril 2008, qui instaure le passeport biométrique en droit français, après sa saisine par des citoyens préoccupés par le « fichage étatique généralisé ». La CNIL a mis en garde contre cette nouvelle carte d’identité à puces et la centralisation des données qu’elle entrainerait. Mais ceux qui ce sont soulevés contre ces mesures ne sont qu’une minorité, une poignée de juristes, d’humanistes ou d’anarchistes sensibilisés à ce à quoi ils étaient déjà sensibles. Les autres ont préféré dans Direct Lyon Plus les 15 pages dédiés au football plutôt que les huit pages d’actualité et l’article sur la « mobilisation citoyenne » de 17 lignes en coin de page. L’égoïsme, l’indifférence et la recherche exclusive du confort matériel et de la facilité intellectuelle, voilà le ferment du fascisme. Contre ça nous devons aujourd’hui tous nous lever. N’oublions jamais que celui qui ne dit mot consent, arrêtons de tolérer et commençons à vouloir.