mardi 13 décembre 2011

Les lois des Dieux contre la loi des Hommes

                Cet article reprend des informations publiées sur le blog Droites Extrêmes des journalistes Abel Mestre et Caroline Monnot, les citations sont extraites de certains de leurs articles.

La République est une œuvre toujours en construction, et il y a des groupes qui n’auront de cesse d’essayer de déconstruire le travail déjà achevé. Ces derniers mois on observe une montée au créneau des intégristes religieux. Des fanatiques se lèvent contre la démocratie et menacent nos institutions.
            C’est tout d’abord du côté de la mouvance intégriste catholique que le danger provient. De nombreuses manifestations contre des représentations théâtrales ont été organisées. Une série de manifestations a eu lieu devant le théâtre «le 104 » dans le XIXe arrondissement de Paris contre une pièce de Romeo Castellucci "Sur le concept du visage du fils de Dieu ». Les manifestants ont même réussi à interrompre la pièce. La manifestation a terminé en altercation avec les forces de l’ordre, des individus ont été interpelés et la police a saisi des armes blanches et des bombes lacrymogènes sur les manifestants. D’autres manifestations ont eu lieu à Toulouse pour empêcher la représentation de la pièce "Golgota Picnic". Les deux principaux mouvements représentés dans ces manifestations étaient l'Institut Civitas et le Renouveau Français. Le premier rassemble « des catholiques traditionalistes et intégristes proches de l'extrême droite ». Son leader, l’abbé Xavier Beauvais, défini l’objectif du mouvement comme étant " la restauration de la royauté sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ". Le Renouveau Français est tout bonnement une ligue, en version 1930, qui promeut des idées pétainistes et réactionnaires. Ils militaient main dans la main contre le « blasphème » et la « christianophobie ». Il n’est pas étonnant que des mouvements si extrêmes se développent et osent attaquer en public la liberté d’expression et la laïcité quand on voit l’attitude des hauts dignitaires de l’Eglise catholique. Ainsi le cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d'Etat et numéro deux du Vatican a dénoncé mardi 22 novembre dans une déclaration le "laïcisme intolérant" en "conflit ouvert avec les valeurs chrétiennes traditionnelles". Le message vient donc d’en haut, de cette Eglise qui soutient implicitement ces mouvements. Elle a bien senti la faiblesse actuelle de nos institutions et l’ampleur de la crise sociale, et elle en profite pour entamer sa nouvelle vague d’évangélisation dans l’espoir de reconquérir son pouvoir d’antan. Et c’est chez les jeunes que l’endoctrinement prend place, comme toujours. Les militants du Renouveau Français sont de jeunes gens et c’est sous le slogan "France, jeunesse, chrétienté" qu’ils ont défilé à Paris le 29 octobre.
Il faut noter que ce slogan ne gênait en rien les militants de Forsane Alizza, un « groupuscule islamiste radical » présent à la manifestation pour montrer leur soutien au mouvement. Tous les groupes antirépublicains profitent de la situation de délitement du lien social pour affermir leur prise. Ainsi la radicalisation se voit aussi du côté de l’Islam. Le siège de Charlie Hebdo a été victime d’un incendie criminel dans la nuit du 1er au 2 novembre après que le journal satirique ait publié des caricatures de Mahomet. Des islamistes ont également piraté le site internet de Charlie Hebdo et menacer celui de Libération, qui hébergeait dans ses locaux les journalistes de Charlie Hebdo après l’incendie. Il convient de rappeler que le délit de « blasphème » n’existe pas. Le mot blasphème signifie en grec "parler en mal d'une réalité". Une réalité n’est pas une croyance, la religion est une interprétation du réel. Dénoncer un blasphème c’est imposer sa croyance et sa vision du monde en affirmant que notre interprétation est la vérité. C’est un message d’une violence égale à celle du blasphème, qui nie en bloc la véracité de l’interprétation. Si cette dénonciation est faite dans le cadre de la loi, cela ne pose aucun problème. Mais si c’est le cadre de la loi lui-même qui est remis en question, on ne peut le tolérer.

François Bœspflug, professeur d'histoire des religions à la Faculté de Théologie Catholique de l'Université Marc Bloch de Strasbourg a annoncé « on assiste à un recul du seuil de tolérance. » dans un entretien au Monde. Ce que je lui répondrais c’est que c’est l’inverse. Notre gouvernement n’a que trop toléré. La laïcité a été laissée sur le bas-côté de la route depuis bien longtemps. La preuve étant que nous avons élu en tant que président un homme qui n’y est même pas favorable. Le soi-disant gardien de nos institutions n’a caché son jeu à personne. Pendant sa campagne de 2007 il a multiplié les déclarations empreintes de religiosité. Il a défiguré le principe de laïcité pour le confondre avec le principe de tolérance. Une tolérance qui arrange bien ceux qui ont le pouvoir, car alors on peut tolérer leurs abus. La laïcité doit être intolérante car sinon un groupe arrive toujours à mettre en avant ses croyances par rapport à celle des autres. Et c’est ce qui se passe en ce moment, la « laïcité chrétienne » prospèrent. Il faut remettre les choses à leur place. La République ne reconnait aucun culte nous dit l’article 2 de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905. La laïcité ce n’est pas respecter tous les cultes. Il faut prendre le mot tolérance à son sens originel : tolérer c’est être irrité par la présence de, mais ne rien dire tant que cette présence ne devient pas trop gênante. Il faut circonscrire le culte dans une ligne stricte qui le sépare du pouvoir politique. La Laïcité c’est la négation des institutions religieuses pour affirmer la République comme seule et unique expression légitime du collectif.
C’est la seule solution pour que la paix soit préservée. Pour que chacun puisse jouir pleinement d’une religion comme instrument personnelle d’émancipation et non pâtir d’une religion instrument de tyrannie d’un groupe spécifique. Il suffit d’observer la situation actuelle pour voir qu’on ne peut pas faire autrement. Dès que la République tourne la tête et abaisse sa garde les Eglises reviennent à la charge prêtent à la poignarder. Elle donne un doigt et on lui prend la main. La République doit confiner la religion à la sphère privée pour sauvegarder les intérêts de tous dans la sphère publique. Elle doit s’extirper totalement du carcan théologique pour offrir une loi qui permette à tous de vivre selon le chemin qu’il choisit. Contre ces manifestants qui s’offusquent contre le non-respect de la loi de leur Dieu il faut répondre que cette loi n’existe pas. La seule loi c’est celle du peuple français, celle qu’il s’est librement imposé et pour l’amélioration constante de laquelle il continue d’œuvrer.

Article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958
La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.


Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen :
Art. 6. La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse.
Art. 10. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi.
Art. 11. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.



http://droites-extremes.blog.lemonde.fr/2011/10/31/manifs-anti-castellucci-les-choses-se-compliquent-au-cent-quatre/

samedi 3 décembre 2011

Inné ou acquis, la droite ou la gauche.


L’affrontement du mérite individuel et des déterminismes sociaux dans le contrat social.

Mon point de vue sur l’échelle droite-gauche de positionnement politique est qu’elle correspond à une échelle de croyance en la détermination sociale. La grande ligne de fracture entre la droite et la gauche est la croyance ou non à une essence des individus. Se positionner politiquement c’est accorder implicitement plus ou moins d’importance à cette essence qui est l’inné et à l’expérience qui nous forme qui est l’acquis.
La droite est construite sur une base de philosophie chrétienne qui est la croyance en l’âme. Les fidèles croient que quelque chose d’immatériel et d’insaisissable est à la base de notre être et que le reste, notre vie matérielle, n’en est qu’une émanation. L’âme est l’inné. Ainsi les valeurs de la droite mettent en avant la puissance d’action de l’individu et la vertu des efforts. Elles négligent en parallèle le contexte, les facteurs extérieurs à l’individu. La droite se sert des actions individuelles, émanations de l’inné, pour déterminer la nature de cet inné et donc la qualité d’une personne. Celui qui réussit c’est celui qui fait les efforts pour réussir, qui combat l’environnement et arrive à le plier à sa volonté. L’individu ne devient pas, il est déjà. Si l’individu doit réussir il réussira. On comprend alors la logique de la droite actuelle qui consiste à détacher les wagons les plus lourds du train pour faire avancer la locomotive plus vite. Ces personnes qu’on exclue du système sont par nature moins productives, le système n’y est pour rien dans leur déviance. L’égalité est injustifiée, si elle doit subvenir elle doit se cantonner à une égalité des chances. La droite ne s’interroge pas sur les facteurs qui font que certains individus vont faire plus d’efforts que d’autres, le libre-arbitre est total. Cette valorisation de l’innée peut devenir dangereuse quand elle est poussée à l’extrême. La droite extrême tend à négliger les actions comme critère de jugement et se concentre directement sur l’essence en définissant des critères statiques pour juger l’individu à la source. On aboutit alors à des logiques raciales par exemple, qui refuse tout acquis et se basent uniquement sur l’inné.
A l’inverse la gauche n’accorde qu’une place marginale à l’inné et privilégie avant tout l’acquis dans sa vision des choses. La gauche s’intéresse à la structure dans laquelle est inséré l’individu, en d’autres termes les déterminismes sociaux. Ce n’est même pas militer pour l’égalité des chances, car cette dernière est une illusion. L’inné n’existe pas, de ce fait l’acquis dépend seulement des conditions dans lesquels il est acquis. Les actions de l’individu ne comptent que peu, l’important c’est le système. L’extrême-gauche nous fournit une vision laïcisée d’un individu qui n’est rien au départ et devient tout. Cet individu vierge est formaté par les conditions extérieures de son existence qui vont déterminer qui il est et ce qu’il fait. On comprend cette orientation idéologique par les conditions d’émergences de la gauche et ses origines ouvrières. L’ouvrier était l’idéal-type de cet individu formaté par le système. Les ouvriers se sont organisés et ont créé des mouvements qui ont dénoncé le carcan social et ont mis en avant une logique qui rejette complètement l’inné. Elle met en avant des individus indifférenciés qui tous méritent la même chose. Leurs actions n’ont aucune valeur à cause des lourdes déterminations sociales qui pèsent sur eux. Dès lors l’égalité doit être l’égalité de fait, elle passe par le changement intégral du système pour que tous les individus puissent être traité de manière égale.
Quelle part d’importance accorder à l’acquis et à l’inné respectivement ? Cette question est centrale dans toute décision politique, car sa réponse oriente les modalités de l’action qui sera mise en place. Devons-nous faire à l’école des classes de niveau ou devons-nous faire des classes où les plus mauvais côtoient les meilleurs ? Une approche privilégiant l’inné choisit la première option, car ce qui compte c’est de donner les moyens à chaque individu d’épanouir au maximum son potentiel pré-intégré, il ne faut donc pas qu’il soit sous-exploiter dans une classe avec un niveau inférieur à son niveau réel. Une approche privilégiant les déterminants sociaux répond évidemment le contraire. Il faut de la mixité sociale à l’école pour compenser les déterminismes familiaux et pouvoir espérer une plus grande égalité de fait entre les individus. Si les meilleurs sont légèrement pénalisés ce n’est pas grave, de toute façon leur mérite est faussé au même titre que l’échec des moins bons.


Le dilemme de la gauche est le refus du mérite qui s’oppose à sa nécessité. Le refus de croire en une essence de l’individu fait du mérite une variable à définir. Le mérite n’est qu’une convention, il n’a aucune réalité mais les individus veulent et doivent croire en leur inné et à la valeur de leurs actions. Le mérite fait donc figure d’instrument utile pour préserver le contrat social. Le contrat social doit donner à la majorité des citoyens envie d’en faire partie. Les règles du jeu doivent donner envie de jouer. Il faut donc définir un mérite individuel et le valoriser pour amener la majorité dans le contrat social. Mais la définition ne doit pas être trop stricte et la valorisation trop forte, pour ne pas rendre trop grande la proportion de ceux qui à cause des déterminations sociales ne peuvent pas se conformer à cette norme de mérite. Il faut trouver un équilibre entre d’un côté ceux qu’on exclue car ils ne sont pas assez méritants et de l’autre les méritants qu’on pénalise pour combattre les déterminismes sociaux. Il faut trouver une juste mesure dans la prise en compte de l’inné et de l’acquis. Pour le socialisme cette mesure est celle qui divisera le moins possible la société, qui favorisera le plus les minorités en pénalisant le moins la majorité. La ligne à tracer est celle qui inclura le maximum de citoyens dans un ensemble ou l’égalité est la plus vraie possible mais qui permettra au système d’être supportable.
Le problème est que cet équilibre n’existe pas, il reste à construire. Sa définition change en permanence et est pour une bonne part soumise à la subjectivité. Peut-on se permettre de sacrifier 5% de la population trop lourdement déterminés ? Ou doit-on combattre plus en avant les déterminants sociaux pour inclure 99% de la population, même si cela correspond à une contribution très lourde pour la vaste majorité qui se contenterait aisément de règles méritocratiques plus strictes ? Voilà le nerf du socialisme : où définir le moins-pire pour permettre un mieux au plus grand nombre ? C’est la réponse que je fais à ceux qui critiquent le parti socialiste pour ses divisions et ses problèmes de cohérence. Si le parti socialiste a autant de tendances différentes en son sein c’est parce qu’il y a autant de définitions possibles de la juste mesure. Le parti socialiste a fait le choix de la difficulté. C’est un parti sans ligne car c’est un parti du réel, un parti qui ne se base pas sur des absolus mais sur des valeurs et leur articulation avec la réalité. Le socialisme est une œuvre qu’il faut construire et reconstruire perpétuellement.