mercredi 27 juin 2012

Un changement « radical-socialiste ».


Un militant socialiste voit des signes annonciateurs de sa propre déception.

Socialiste, dans le cœur depuis toujours mais militant depuis peu, j’ai voté François Hollande sans conviction mais avec l’espoir d’une bonne surprise. Aujourd’hui j’ai peur que cette surprise n’advienne jamais. Le vieux parti socialiste souffre de sa lourdeur. La machine bien huilée par ses techniciens a des rouages qui ne sont faits pour tourner que dans un seul sens. Et ce ne sont pas les dinosaures qui les actionnent qui en feront varier la marche. Si tout tourne bien rond c’est un siège de velours rouge qui les attendra. Je constate aujourd’hui que le parti socialiste a entamé, bien malgré lui, une course pour le pouvoir. Maintenant que le pouvoir est acquis, il faut le garder et essayer d’en avoir plus. Suivant les leçons de Machiavel et ayant choisi la méthode du copinage, le nouveau parti majoritaire installe ses pions. Je déplore qu’il les installe non pas dans une stratégie offensive pour le changement, mais dans une stratégie défensive pour la stabilité. En 2012 le parti socialiste n’a pas choisi la gauche plurielle. Il a choisi la gauche tranquille. Ainsi le parti socialiste met en place des actions pour que le fleuve suive son cours paisiblement. Il se débarrasse des personnalités potentiellement gênantes. Il fait des alliances mais seulement si elles permettent d’obtenir des avantages sans payer aucun coût. Et bien sûr, il ne brusque personne, surtout pas les grands pontes du parti.

Pour moi l’attitude des socialistes envers les écologistes est révélatrice. D’abord on met une socialiste, au ministère de l’énergie et du développement durable. Ce premier choix de ne pas mettre une écologiste est déjà contestable mais il est guidé par une volonté de contrôle qui parait légitime pour un ministère si important. Mais quand on se rend compte que Nicole Bricq est très engagée et prête à lancer une nouvelle dynamique, c’est la peur qui s’empare des dinosaures du parti. Le changement oui, mais pas trop. Une réforme du code minier c’est apparemment trop. Ni une ni deux la machine se met en route et on remplace la militante par une socialiste débutante, défenseuse de l’environnement le dimanche. Qui plus est on choisit quelqu’un qui ne connait pas trop les dossiers pour que sa capacité à changer les choses soit plus réduite. C’est donc le duo socialiste Delphine Batho et Jean-Paul Chanteguet, qui a grillé l’écologiste Denis Baupin à la présidence de la commission de l’Assemblée Nationale au développement durable, qui est en charge de notre transition vers une économie durable et qui devra faire face à la crise énergétique. On va pouvoir encore attendre longtemps avant la mise en place d’un grand plan pour la refonte de notre économie et de notre approvisionnement énergétique ! Et après on se plaint au sein du PS que les écologistes créent des complications, s’abstiennent à l’élection du président de l’Assemblée Nationale et fassent figure d’alliés incertains. Mais à qui la faute ? Si on ne fait rien pour son allié, pourquoi l’allié ferait-il des efforts pour soi ? A cela certains répondent que compte-tenu de leurs scores les écologistes n’ont rien à réclamer et devraient déjà être contents des places que leur laisse le parti socialiste. Mais dire qu’on a le droit d’écraser le faible parce qu’on est fort ce n’est pas très démocratique. Le PS opère pour moi un abus de position dominante.

C’est de l’audace qu’il nous faut aujourd’hui pour un vrai changement. Mais au parti socialiste on écarte les audacieux et on préfère la tranquillité. Certains disent que c’est « faire des compromis » pour « rassembler ». Mais pour moi ce n’est pas un véritable centrisme pour la démocratie, c’est une simple recherche de la contrainte minimum. Ce n’est pas satisfaire le plus grand nombre, c’est satisfaire ceux qui ont la possibilité de rendre les choses compliquées à ceux qui sont déjà installés. La démocratie c’est le partage, le débat, les désaccords, les choix difficiles, les négociations. Ce n’est pas faire en sorte que les rouages tournent le plus aisément possible, car à ce moment-là on les fait tourner dans le vide. C’est faire des efforts pour arriver à achever le maximum de choses pour tendre vers un idéal politique, quitte à prendre des risques, à faire trembler les lourds édifices et à faire grincer les dents des mastodontes. A l’ère du beurre allégé et de l’aspartame je mets en garde contre un « changement » édulcoré. L’histoire du parti radical et radical-socialiste fournit au PS une mise en garde. A force d’édulcoration le parti radical dans la première moitié du siècle dernier a perdu son identité. De principal parti de gauche il est passé à parti de gouvernement de centre-gauche pour finir parti du pouvoir à tout prix, gouvernant avec la droite modérée et ayant voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain en majorité. La volonté croissante de pouvoir a fait passer le parti radical et radical-socialiste de fer de lance de l’œuvre républicaine à fossoyeur de la République. Je voudrais croire que celle des socialistes ne les fera pas devenir victime du même « mouvement sinistrogyre » (3). Et attention, le jeune Front de Gauche est prêt à prendre la relève du socialisme d’opposition. Mais il serait si dommage que le socialisme reste une idée et ne puisse jamais se mettre en pratique. Je veux croire dans une politique ambitieuse à l’heure où la France a besoin de dynamisme et de réformes profondes. Je refuse d’accepter un changement dans la continuité à cause d’un parti qui veut du molletonné. Nous avons aujourd’hui une chance, nous devons la saisir.



(3)    Albert Thibaudet dans son ouvrage Les idées politiques de la France (1932) parle de « sinistrisme immanent de la vie politique française ». Selon lui les partis sont poussés inexorablement vers la droite par l’émergence de partis politiques toujours plus à gauche. Ainsi en va-t-il des radicaux, remplacés par la SFIO, puis de la transformation de la SFIO en parti réformiste et sa rupture avec la SFIC, puis de la rupture entre communistes de gouvernement et communistes révolutionnaires.

2 commentaires:

  1. Un article récent du Figaro (que je n'arrive pas à retrouver) proposait un schéma montrant la répartition des députés si la proportionnelle intégrale était appliquée lors de ces scrutins législatifs.

    Le FdG aurait 30 députés, EELV 25, le FN 85. Les deux partis principaux en auraient beaucoup moins qu'avec le scrutin majoritaire et aucun des deux n'aurait la majorité absolue.

    On voit le danger démocratique du scrutin majoritaire qui suravantage les principaux partis, les laissant ainsi libres de mépriser à volonté leurs partenaires qui sont eux aussi élus démocratiquement.

    Tant que le système majoritaire sera en place, le parti au pouvoir (quelqu'il soit)abusera de sa position dominante.

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  2. Il est vrai que ce système avantage grandement les principaux partis et fait tendre vers le bipartisme. Mais attention à ne pas confondre les règles du jeu et la façon de jouer. Regardons un peu la Troisième République, période qui a vu le parti radical évolué de la façon dont je parle, et on observe bien des abus de position dominante également. La différence est qu'ils ne se font pas grâce à l'arme du score majoritaire mais grâce à l'arme des alliances et du chantage pour former des coalitions. Qu'importe les règles institutionnelles, elles laissent toujours des zones d'incertitude qui sont exploitées par ceux qui veulent du pouvoir. Ce qu'il faut c'est pousser nos élus à jouer de la manière qu'on trouve souhaitable.

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